Nîmes

Regards insolites sur la ville et ses habitants

Feuchtwanger prisonnier à Nîmes

Récit lié : Voyageurs venus d'ailleurs

Déchu de la nationalité allemande et exilé dès l’arrivée des nazis au pouvoir, L. Feuchtwanger vit pendant 6 ans « heureux comme Dieu en France » (dicton germanique). En 1939, c’est le diable qui mène la danse  et il est arrêté et transféré au camp des Mille, comme d’autres intellectuels et artistes allemands, Max Ernst, Hans Bellmer, Frantz Hessel…

La Marche de Saint-Nicolas, peinture d'Henry Gowa, 27 juin 1940

L’avance de l’armée allemande pousse les autorités à transférer les prisonniers : c’est le début d’un voyage en train, qui après l’arrivée à Bayonne, repart en sens inverse et finit par s’arrêter à Nîmes. Les prisonniers sont transférés dans un camp de tentes, près du Pont St Nicolas, et L. Feuchtwanger se demande comment sortir de cette souricière.

 

Il avait été long le chemin qui nous avait menés du camp des Milles jusqu’à Bayonne. A présent, nous avions refait la plus grande partie, voire la presque totalité de ce chemin en sens inverse….. Le train démarra. Une tension insupportable régnait dans le wagon. Mais le train ne prit pas la direction des Milles, il partit vers Nîmes…
La nuit tombait, le soleil se couchait dans toute sa gloire. Nous ne nous arrêtâmes pas dans la gare : notre train contourna la ville de Nîmes et s’arrêta finalement sur une voie annexe, à quelques kilomètres de la ville. On nous fit savoir que c’était le terminus de notre train ; le lendemain, on nous débarquerait…

La gare de Nîmes

Après avoir parcouru une quinzaine de kilomètres nous arrivâmes devant un vieux portail monumental sur lequel, en lettres ornementées, on pouvait lire la mention : « Saint Nicolas ». Ce portail donnait accès à la cour d’une ferme… Cette ferme et ses environs étaient manifestement destinés à devenir notre nouveau lieu de résidence….
Des gens venus de la ville avaient également trouvé le chemin qui menait jusqu’à nous et nous proposaient des cigarettes, du chocolat, des bonbons. Toutes ces choses étaient très chères. Ces gens justifiaient les prix élevés en évoquant la route longue et pénible … Un tel trajet, expliquèrent-ils, était très éprouvant, car en chemin, on ne trouvait rien, il n’y avait pas même d’eau ; il fallait tout apporter de la ville. Et Nîmes elle-même souffrait de pénuries : sa population avait triplé, et elle était pleine de réfugiés français, belges et hollandais….
… Nous vîmes arriver les premiers camions qui transportaient ce que nous envoyaient les autorités militaires. Nous nous précipitâmes pour voir ce qu’ils contenaient. De l’eau ? De la nourriture ? Ni l’un ni l’autre. Ce n’était pas non plus des planches destinées à construire des baraques, ou des pioches pour creuser des latrines. C’était du fil de fer barbelé.

Extrait de "Le diable en France". Belfond

Le pont st Nicolas

L. Feuchtwanger s’évade du camp pour aller à Nîmes et tenter d’obtenir un laissez-passer. Un amie française, venue à Nîmes pour retrouver son ami allemand interné au camp St Nicolas, lui trouve, difficilement, un hébergement chez Monsieur S.. Il y trouve un peu de confort (« pour moi, c’était comme le paradis ») et un jardin … Il écrit :

Le jardin descendait en pente douce, et à plusieurs endroits il offrait au regard des vues charmantes sur la campagne et la ville ; une partie était à l’abandon, puis on retrouvait des arbres, des allées, des plates-bandes de légumes, et il y avait même les vestiges d’une villa romaine, ainsi qu’une tonnelle.
… C’était agréable de me trouver sous cette tonnelle, par une belle journée d’été, et d’écrire aux personnes qui m’étaient chères. Enfin, j’avais trouvé le calme et la concentration nécessaire, enfin je me retrouvais seul avec moi-même, enfin je voyais les visages que je désirais voir.

Un jardin à Nîmes

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