Nîmes

Regards insolites sur la ville et ses habitants

J.F. Favarger chez les libraires de Nîmes

Récit lié : Voyageurs venus d'ailleurs

C’est le regard d’un homme qui fait son métier, représentant d’un éditeur suisse, la STN, ni touriste ni amateur d’antiquités. Comme dans toutes les villes qu’il visite, il rencontre les libraires, les classe (fiable ou mauvais payeur), prend des commandes, négocie des traites, et organise l’acheminement (clandestin parce que les livres de la STN sont soit censurés soit piratés en violation du privilège des éditeurs parisiens). Ainsi se dessine un commerce du livre très contraint et très périlleux, ainsi qu’une approche des goûts et attentes des lecteurs de l’époque. Qui était libraire à Nîmes en 1788 et que demandaient ses clients ?

 

Favarger s’arrêta en premier à Nîmes qui avait un marché du livre prospère grâce à deux facteurs fondamentaux : la soie et les protestants. La forte population de protestants (environ un tiers des 30000 habitants de la ville en 1778) consommait d’importantes quantités de livres – principalement des Bibles et des ouvrages liturgiques, mais aussi des brochures des Lumières…
La correspondance des libraires de Nîmes montre de quelle façon ces courants culturels convergeaient. Néanmoins, comme dans tous les centres provinciaux, seuls quelques libraires œuvraient à une échelle assez grande pour commander des envois d’éditeurs étrangers de façon régulière. Deux d’entre eux, Michel Gaude et Buchet (les documents ne précisent pas son prénom), éclipsaient les autres
Quand Favarger entra dans la boutique de Gaude dans la grand-rue au cœur de Nîmes, il se trouva en territoire amical. Il y avait partout des ouvrages protestants.

Grand-Rue, à Nîmes

Peu après être arrivé à Nîmes, Favarger alla écouter Paul Rabaut, le plus éminent chef de la communauté huguenote, prêcher un sermon au désert. A l’époque de la visite de Favarger en 1778, les protestants n’étaient plus persécutés, mais ils conservaient de vifs souvenirs des atrocités subies après la révocation de l’édit de Nantes en 1685… Au cours d’une reprise de mesures répressives entre 1745 et 1753, Rabaut avait été contraint de se cacher, sa tête étant mise à prix.
La première commande qui apparaît dans la correspondance de Gaude fut pour 105 exemplaires de la Bible, c'est-à-dire de l’édition calviniste de la Bible augmentée d’un commentaire de Jean-Frédéric Ostervald, qui était interdite en France.

Elle était trop dangereuse pour être envoyée par Lyon et Gaude demanda donc à la STN d’emprunter la voie terrestre par Turin et ensuite Nice et Marseille où il avait un agent de confiance. Nullement dissuadé par le coût supplémentaire, il demanda bientôt 100 Bibles de plus, ainsi qu’un grand assortiment d’ouvrages séculiers.

Vue de l'assemblée des protestants de Nismes au Désert. Boët (dessinateur) Fling (graveur). 1786 ? BNF Images

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