L’épidémie
"Le délire collectif qui se déchaîne dès qu'éclatent les rythmes syncopés du rock on les retrouve à tous les carrefours du monde depuis une dizaine d'années. Le phénomène social qu'exprime ce jazz abâtardi issu du "boogie" et du "bop" a été défini par un sociologue comme "la protestation rythmée d'une jeunesse mécontente de l'avenir qu'on lui prépare", pourtant les psychiatres assurent que les manifestations provoquées par les "Rock and Rollers" célèbres sont sans dangers au contraire le vacarme collectif défoule la jeunesse qui cherche à s'affirmer et l'empêche de se livrer à des activités plus violentes. À vous de juger."
France Soir, 21 novembre 1961.
Exergue du film À la mémoire du rock de François Reichenbach, 1963
La contagion
Décrite comme une maladie qui se propage, des États-Unis à la France, en passant par la Japon, les Pays-Bas, l'Allemagne, la Suède, la Pologne, l'Italie, l'Afrique du Nord, la diffusion du rock'n'roll, désigné parfois comme une musique de Nègres, apparaît parfois comme un moyen de soulager le mal des jeunes qui en écoutent. Musique qui adoucit leur existence en leur faisant écouter les plaintes de ceux qui connaissent un sort bien pire.
On craignait ainsi des accès de violence, des faits de délinquance à certains moments de l'année (souvent l'été) dans des lieux précis comme les banlieues. On guettait ce qui se passait dans d'autres pays.
Mais les anciens des bandes racontent comment à Paris, celles-ci se formaient autour d'un chef et se réunissaient dans un square, qui devenait leur quartier et dont elle prenait le nom (Batignolles, Sacré-Coeur). Il arrivait que ces bandes aillent se frotter à d'autres en allant se battre. La rivalité consistait également dans la capacité des bandes à rafler les filles de l'autre bande. Jeux de rivalité masculine dans lequel les filles sont des trophées. Spectacle de rue donné devant les filles, à la fois destinataires et récompenses. Spectacle masculine de la virilité donnée comme forme de séduction.
Ce que des témoins appellent une vraie révolution est justement dans le fait que hommes et femmes ne se touchent plus en dansant dans le Twist, révolution au sens où toutes les générations vont le danser et rupture dans l'ordre de initiations sexuelles.
Dans la foulée du festival, des municipalités confondant rock et blouson noir vont interdire des concerts de Johnny Halliday. Il faudra attendre le concert organisé place de la nation pour la scène yéyé se désolidarise explicitement du phénomène blouson noir. A priori, ce sont les d'abord les grandes communes possédant des banlieues qui s'inquiètent de la propagation de cette musique.