Paysages de Grèce
Sortir de la ville, humer la terre humide. La pluie ne s’est pas arrêtée depuis la fête de Kostas – le fils de l'auberge, si petit et déjà les pieds dans la fange. Dans certains pays on dit que l’on impose au regard de balayer l’espace de gauche à droite et de haut en bas. Lire n’est pas la priorité ici. Sous influences méditerranéenne et balkanique, la Thessalie abrite depuis l'Antiquité des sorcières dont chacun ici sait qu’elles parlent aux morts pour prédire l'avenir.
Les champs sont gorgés d’eau, les chemins devenus torrents. L’homme au cigare toujours éteint lui a tendu des bottes et elle a franchi le seuil de la porte non sans appréhension.
Au loin tandis que, des miradors, une voix puissante s’élevait – tous aux abris, rentrez sous terre immédiatement – je me dirigeais vers les fruitiers. La récolte était mienne. Les autres jouaient aux insectes dans leurs espaces confinés.
Qui a parlé ? À peine audible... des acouphènes... le beat dans l’oreille ne s’interrompt plus... les organes se lézardent sous les infra-sons. Est-ce moi qui rêve, qui rêve le cauchemar des hommes ? Les sifflements auditifs deviennent intolérables, le monde tourne et éclaire, l’effroi se déverse. Aux rafales de pluie et aux bourrasques s’est soudain adjoint le tonnerre. Le couvercle anthracite qui couvrait la plaine s’est zébré, l’arbre s’est fendu et l’homme à terre a maudit Zeus qui rêvait. Trois mille ans ou une fraction de seconde, le tunnel est le même. Récolter ou laisser pourrir, le devenir est le même. Elle monologue, elle se croit seule, elle a peur, elle a reconnu la voix.
Solitaire je te semble être parmi mes hectares mais regarde-bien au loin, ta mère qui porte un enfant, ma fille, je te laisse rêver et te réponds que j’espère que nous n'allons pas en finir là!