Regards croisés

ou le plaisir de la controverse

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Récit lié : Auvergne

Antonin Artaud par Ernest Pignon Ernest
Antonin Artaud par Albert Hartweg

Lors de l'atelier d'écriture proposé par les Tisseurs de mots à l'occasion de la Biennale d'aquarelle de Brioude en 2023, l'art de la controverse entre Aline et Kris s'exerce sur le dos du pauvre Artaud le momo (et on ne s'était pas concertées).

La preuve, ci-dessous :

Hommage à Antonin Artaud / Kris

« La Grille est un moment terrible pour la sensibilité, la matière.” (Antonin Artaud, L'Ombilic des Limbes)

Alors, bien sûr… le regard d’Antonin Artaud dérange. Ses yeux, bassins de rétention de larmes et de fureur. Ses yeux, miroir torturé de son âme en morceaux, cicatrice purulente. Ses yeux, ulcérés par les turbulences de l’époque, sombre sombre sombre… Ses yeux, quand on les écoute attentivement, hurlent le désarroi de vivre

Antonin Artaud, l’autre parmi les « horribles travailleurs ». Antonin Artaud, dernier des poètes maudits, condamné à vivre en ce Théâtre de cruauté, l’esprit torturé dans son chaos de maux… Antonin Artaud, toute sa vie, se bat comme un tigre contre l’absence à soi, contre ce sentiment de possession qui le hante, l’amoindrit. Lui, Antonin Artaud, sauvé par saint Patrick, crût-il un temps, en un ultime délire.

Conférence au théâtre du Vieux Colombier, Antonin Artaud éructe, vocifère « pour en finir avec le jugement de Dieu ». Lutte à corps ouvert contre les mots qui s’écoulent de lui, s’amassent en cumulus de colère avant d’exploser en onomatopées. Lutte contre l’insupportable fouillis des mots qui le harcèlent. A peine ébauchés, à peine prononcés, les voilà qui s’échappent du vide et crèvent l’abcès du silence intérieur…

Alors, bien sûr … le regard d’Antonin Artaud dérange. Pourtant… l’ombilic des limbes.

 

Prison calme / Aline

Prison calme.

Artaud t’es fou… puisque t’es enfermé avec les fous.

Il paraît que c’est toi qui as dit : « Nul n’a jamais écrit ou peint, sculpté, modelé, construit, inventé que pour sortir en fait de l’enfer. » Et à première vue – arrête-moi si je me trompe – t’as beau écrire à tire larigot, t’es toujours en enfer… Comme quoi, tu dis n’importe quoi. Ce qui ne m’étonne pas. Il suffit de te regarder : tu écarquilles les yeux mais tu ne vois rien du monde qui t’entoure, tu regardes en toi et manifestement, c’est pas beau à voir !

Pas la peine de hurler. Je sens que tu vas hurler. Tu supportes pas la frustration. Te voilà pris au piège. Alerte dans la passe à poissons, Artaud fronce les sourcils. Il va nous faire une crise. Un petit électrochoc devrait lui faire du bien.

T’es calmé ? Bon, reprenons. T’es fou, faut te faire une raison. J’ai jamais rien compris à ce que tu as écrit, c’est bien une preuve ! Cela dit, y a des choses que je ne comprends pas. D’abord – même si c’est secondaire – tu pourrais te faire couper les cheveux. T’es pas une beauté et tes cheveux filasses et gras ne t’arrangent pas. Mais passons. Ce que vraiment je ne comprends pas, c’est qu’il se soit trouvé, qu’il se trouve encore des éditeurs pour publier « ton œuvre », des universitaires pour la commenter et des gens pour la lire en criant au génie. Z’ont sans doute jamais rencontré de génies – moi non plus d’ailleurs. Enfin s’il suffit d’aligner des vociférations en disant le contraire de ce qui relève du sens commun, du bon sens pour être un génie… c’est l’anarchie… et la victoire de l’effraction.

Artaud, tu me …

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